mercredi 14 décembre 2016

Marcher de jour et Marché de nuit.

22 et 23 novembre : Chiang Mai, ville du Nord.

Dans un wat, des dizaines de bouddha de grandes tailles alignés. Parmi eux, une seule petite figurine. C'est celle qui me plait le plus.



Le train arrive au terminus vers 5 h du matin. Il fait encore nuit dehors et des gens, légèrement habillés, grelottent sur les quais. Vers la sortie, un kiosque d’infos touristiques. J’y vais, je regarde d’un oeil encore bouffi de sommeil le plan de la ville collé sur le comptoir. Je m’en prend un dans le support, je le fous dans mon sac, ça va être pratique plus tard...

Je commande un café latte au petit comptoir de bouffe de la gare. Je reçois un café jaunâsse et translucide avec un sachet de coffee mate. Ça m’a toujours fait penser à de la poudre de craie. Pour le goût on repassera. Pas grave, c’est chaud alors ça fait du bien pareil, que j'essaie de me convaincre. Je prends mes messages sur mon téléphone, mon chum m’apprend que fiston a échec à 40% en sciences et math. Et on en discute, chacun à son bout du globe. C’est plutôt weird, mais vive la modernité.

Le café fini, direction toilettes : entre les portes pour gars et pour filles, y'a un comptoir avec des pièces de monnaie étalées dessus ainsi qu'un panier avec des paquets de papiers mouchoirs. Assis dignement derrière, un monsieur pipi avec un costume militaire gère le prix des vidanges de vessies des voyageurs. 

Toilette 3 baths, papiers mouchoirs 5 baths, total 8 baths. Y’a rien de trop beau pour la classe ouvrière.

Quand même ! C’est grand, propre et il y a une toilette pour handicapés. C'est super ! J’y entre sans remords car c’est la seule assez grande pour poser tout mes bagages par terre (car comme d’habitude il n’y a aucun crochets) sans me prendre les pieds dedans ou avoir à les poser dans la flotte mi-pisse-mi-eau.  
Je m’installe, fais ce que j’ai à faire et ouvre le petit paquet de mouchoirs. Wow, sur l’emballage, Tweetie Bird.  Plus jaune que jamais, il me salue et me remercie de m'essuyer avec son papier. Je ne peux m’empêcher de sourire, car c’est quand même assez absurde de réaliser qu’une compagnie de papier hygiénique Thaïlandaise a acheté une license Looney Tunes nord-américaine pendant que chez nous, on vend nos bébelles couvertes de produits licensiés asiatiques. Vive le libre échange… That’s all folks !



Ensuite, à défaut de pouvoir prendre une douche, je fais méticuleusement ma toilette à un évier puis sors écrire au petit comptoir de bouffe, en attendant que le soleil se lève, il n'est pas encore 6 heures.
J’écris, je cogite, je corrige, je me trouve niaiseuse, je me trouve brillante, j’efface et j'undo. Le temps d’arriver à cette phrase, un soleil radieux vient de percer le ciel et mon ombre est projetée sur mon laptop. Voilà, je crois qu’il est temps de lever les pattes et de prendre un taxi vers mon hôtel.
Je me prépare à ramasser mes affaires quand un vieux monsieur à la barbe blanche vient me dire Hi, can I sit with you ?
Of course, que je lui dit. Il m’offre même un café. No thanks, je viens d’en prendre un dégueulasse, deux ce serait trop.
Il s’assied donc et on commence à jaser. De tout, de rien, pourquoi on est là et où on va. Il s’appelle Ray, il a l’air pas mal vieux mais super cool et il vient d’une petite ville perdue dans les montagnes au Colorado. Évidemment, c’est pas long avant que l’on se mette à parler de l’élection de Trump et de tout ce que cela sous-entend. Je suis contente de ne pas être tombée sur un républicain ! On a pas mal la même vision du monde. Avec sa tête blanche, sa barbiche et son regard doux, il a l’air d’un prof de philo. Et le plus bizarre, en l’observant parler et bouger lentement, posément, c’est que je fini par trouver à qui il me fait penser : Bernie Sanders !!!! Assez ironique, non ?
On regarde la carte de la ville ensemble et où se situent nos hôtels. Ils sont très éloignés l’un de l’autre, mais le mien se trouve sur le trajet du sien qui est plus au nord. On décide de partager un taxi pour quitter la gare et se rendre à nos hôtels respectifs. On se donne rendez-vous en après-midi près du marché de nuit de la Porte sud, là où l’on trouve mille et une cantines de bouffe de rue.
La vieille ville est ceinte d'un canal qui possède des entrées dans un mur de brique et qui sont appelées Gates.
Le taxi (un pick-up rouge avec des bancs à l’arrière) me dépose devant mon hôtel et Ray insiste pour que je paie moins que la moitié de la course. Heu.... non. Je refuse donc, paie ma moitié et on continue chacun sa route.
La dame à la réception est gentille, on remplit les papiers habituels, elle me donne ma clé et je monte à mon dortoir de filles. Et là j’ai, comme qui dirait, une déception. Les matelas sont minces comme des crêpes, durs comme de la roche et c’est pas mal moins neuf et propre qu’à mon premier hôtel.
La salle de bain est sans ventilation et il y a pas mal, non, énormément de moisissures sur les murs. Mais bon, c’est pas la fin du monde. C’est pas cher et je vois ça comme faire du camping urbain. Je garderai mes flip-flops dans la salle de bain, comme je le faisais à l’autre place.



Je pose mes trucs, trie un peu, réponds à mes messages et je repars avec mon sac photo, direction le marché où je dois rencontrer Ray bientôt.

Il fait merveilleusement beau. Je marche d’un pas prudent, les trottoirs sont dangereux, cassés, encombrés. Les scooters, camions et tuk-tuks circulent en malades. J’arrive au canal qui ceint la ville et j’attends une éternité dans l’air brûlant pour le traverser. Fudge, le trafic est terrible et l’air me semble aussi pollué qu’à Bangkok ! Au moins, c'est intéressant ce canal qui entoure la ville.


Canal qui ceint l'ancien quartier de Chiang Mai.

Je rejoins enfin le marché et c’est une termitière ! Mais comment je vais trouver Ray ? Aussi bien chercher un grain de sel dans un pot de sucre ! Mais le hasard est bon, encore une fois et on tombe nez à nez au bout de 10 minutes. Lucky lucky.






On part se balader. Il parle beaucoup, un vrai moulin à paroles ! Mais tellement doucement et lentement que ce n’est pas insupportable. Il me semble timide, il compense peut-être en parlant beaucoup ? Je ne sais trop, on verra. Il m’apprend qu’il est venu plusieurs fois en Thaïlande dans les dernières années, à Chiang Mai aussi, il a donc plein de choses à en dire. Il me donne beaucoup d’informations sur les us et coutumes, les prix, les attrapes-touristes, etc. Il a une carte détaillée du vieux quartier et m’emmène à pas de tortue visiter des wats : ça me va. Il est de bonne compagnie et on passe un super après-midi. Partout où le regard se pose, on est émerveillé, les sens sont saturés. Je me sens comme une abeille dans un champ de fleurs sauvages, en overdose de pollen. Je clique partout. Je trouve quand même important de l’avertir que de se promener avec une fille qui fait 1000 photos par coin de rue et qui peut tourner pendant 20 minutes autour d’une statue, ça finit par lasser la plupart du monde. Qu’il se sente à l’aise de me dire si ça l’embête. On n’est pas obligés de rester ensemble toute la journée, hein ?
Et il me répond qu’en fait il trouve ça parfait, qu’il a tout son temps et qu’il trouve ma compagnie bien amusante et reposante. Reposante que je me dis ? Il m'explique qu'il voyage habituellement avec son meilleur ami, un copain d’enfance et qu’ils sont toujours à la bourre. Son ami est dans les affaires et il vient chaque année pendant un mois voir ses clients pour des trucs de taxes et autres machins et qu'il est constamment au cellulaire en train de parler affaires. Et Ray fait surtout de la conduite auto, l’autre détestant conduire en Thaïlande. La fine équipe, quoi ! Malheureusement, son copain a eu des problèmes de santé la semaine dernière et il est retourné aux USA avant la fin du séjour. Ray a décidé de rester et voyage maintenant seul.

Bla, bla, bla... On parle, on marche, on rit et je clique ici et là. On voit quand même de bien beaux sites, tout en jasant.














Parce que je suis une fouine, je me glisse parfois innocemment dans des endroits pas vraiment prévus pour les touristes... Ici j'ai trouvé des ornements de wats abîmés. Je jubile !











Ah les fleurs de frangipanier ! Le parfum le plus envoûtant du monde ! J'en étais déjà amoureuse depuis mon voyage en Gouadeloupe et ici il en pleut partout. Je me suis mise à en trainer tous les jours avec moi et en mettre dans mes cheveux. 





Mais je ne prends pas autant de photos que si j’étais seule, ça je le constate. Mais il est bien cool ce vieux monsieur. J’aurai d’autres temps pour déambuler seule, que je me dis.
Vers 17:30 h, on revient vers le marché et on mange une soupe de nouilles Tomyum pas mal bonne et du poisson grillé. Le parc où sont installées les cantines mobiles est plein à craquer. Le soir arrive sans qu’on l’ait vu se pointer, et le marché ressemble quasiment à une foire avec ses néons, les lampes des comptoirs, les affiches lumineuses. Une autre belle découverte, de manger dehors le soir sur le pouce. Je n'avais pas osé à Bangkok.









Je souhaite bonsoir à Ray et le remercie pour la belle journée. On s’appellera demain. Il ne sais pas trop quoi faire, il a l’air gêné. Je lui flanque deux bisous sur les joues et je me tire.

Je retraverse le canal puis repasse le carrefour de la mort pour me rendre à mon hôtel. Il y a une lumière avec le petit piéton qui clignote pendant… 5 secondes ! Même à la course c’est trop court. J’arrête au 7/Eleven pour de l’eau et mon yogourt pour le déjeuner de demain.
Je tombe comme une brique dans mon lit de fakir et je dors toute habillée jusqu’au lendemain.



Chiang Mai jour 2

Au réveil, j’envoie un texto à Ray. Je lui écris que je vais aller me promener et qu’on peut se recontacter demain. C’est court et clair.
Je refais pas mal les premiers wats visités avec Ray et je me me promène un peu partout au gré du hasard. Dans l’enceinte d’un temple, il y a une allée qui mène à un plan d’eau couvert de nénuphars. C’est tranquille, plaisant. Une brise légère fait balancer des banderoles de prières colorées.
Tout au bout, les dortoirs des moines.





On voit un nouveau temple en construction à l'arrière. Comme s'il n'y en avait pas encore assez !

Il y a une table où se trouvent des tuiles de terre cuite pour le temple qui est en construction. J’écris mon nom sur une tuile, comme l’on fait d’autres voyageurs. En quittant, je laisse un billet de 20 bahts que je glisse dans la fente d’une figurine de moine qui tient une boite pour l’aumône. Il a un air joyeux et juvénile, à la limite du cartoon.
Au moment où je glisse l’argent dedans, le “moine” se mets à chanter sur une musique de film très forte. Je sursaute et je me mets à rire, mais à rire… plus capable d’arrêter, c’est quasiment nerveux. Je suis toute seule à rire comme une maudite une folle dans un temple. J’espère que ce n’est pas un sacrilège !
Et là je vois qu’un peu plus loin, un moine m’observe attentivement, immobile. Fudge, c’est tellement weird comme situation.





À la fin de mes pérégrinations athées, je reviens vers le marché de nuit où je commande la même soupe que la veille et je m’installe à la même table.
Pendant que je déguste ma Tomyum, deux voyageurs m’abordent. Le plus âgé ouvre la conversation en me posant des questions sur ma caméra qui trône devant mon bol de soupe. Il possède lui aussi une Nikon et adore faire de la photo. On s’emballent en parlant photo. au bout de 5 minutes, je leur propose de s’installer à ma table.
Ils se présentent et commandent à manger. Le plus âgé, autour de 40, est Allemand, il travaille dans le milieu de la presse. Le plus jeune, 23 ans, est Belge et a décidé de partir découvrir le monde après son bac. Ils se sont rencontrés la veille, à un restaurant. Ce soir, nous voilà trois inconnus réunis par une bonne bouffe.
Ils sont super gentils et drôles : on parle voyage, politique, philo, religion, éducation jusque tard dans la nuit. Quand je parle français avec le jeune Belge, l’allemand fait semblant d’être offusqué et il nous le dit dans un français concassé. C’est joyeux…

Pendant la soirée, je montre à mon voyageur allemand des fonctions sur ma caméra et au moment de la remettre dans mon sac, qui est plein et encombré tout comme l'est la minuscule table, je la glisse tant bien que mal dans le compartiment et en essayant de redresser le sac, BANG! elle tombe par terre !

Simultanément et en harmonie nos trois bouches laissent s'échapper un cri étouffé de stupeur.
Je la ramasse et maudit que je sens conne devant les gars. Comment ai-je pu être aussi maladroite ? Je me sens embarrassée et les gars essaient de détendre l'atmosphère, mais c'est fait c'est fait. Je la teste et la regarde sous tous ses angles et elle ne semble pas abîmée ou brisée. Fiou ! Je souffle un grand coup, c'est con je sais, mais c'est un peu mon bébé cyclope, ma compagne de voyage si accommodante. Penser que je pourrais en être privée pour le reste de mon voyage me fait freaker un peu.

Encore une fois, dans ma tête j'entends des Youppi : elle n'a rien. Lucky lucky again.








dimanche 11 décembre 2016

Le Tortillard 109

Lundi 21 novembre : changement demain, changement de ville, hein ?

Pendant la nuit qui suit ma visite dans le marché Prutanam, je me réveille plusieurs fois, je dors mal. Il est environ 2 heures du mat, je décide que je vais partir de Bangkok. L’idée de prendre le train de nuit vers le nord me plait. On m’avait parlé de la ville de Chiang Mai et de son vieux quartier ceint d’un canal, d’un wat en haut d’une montagne dans la nature, de camps avec des éléphants. Pourtant, avant d’arriver à Bangkok, j’avais rêvé d’aller y visiter des sites réputés comme le grand Bouddha Couché, le Palais Royal, etc. Mais la pollution, le bruit, la misère m’ont découragée. Et je me dis que des sites formidables avec des Bouddha assis, couchés, debouts, il y en a partout en Thaïlande ! Alors, ciao Inferno !

Je me branche sur Couchsurfing.com en pleine nuit et je cherche les hôtes dans Chiang Mai, on ne sait jamais. Je trouve un monsieur intéressant pour une fille comme moi : Mark, photographe dans la soixantaine, retraité, grand voyageur, philosophe, cultivé, artiste, belle petite maison, du temps libre pour jaser. Bref, que du bon. Je lui écris. J’attends. Pas de réponse. Évidemment, c’est pas tout le monde qui veille aussi tard… Ensuite je fais des recherches pour acheter en ligne un billet de train pour Chiang Mai. Je cherche je cherche, ça s’annonce mal, on ne peut pas acheter de billets en ligne directement de la station de train. Par contre, je trouve une flopée d’agences de voyages qui vous les vendent en ligne, mais il faut réserver au moins 3 jours à l’avance et ils se font une belle cote ! Ben voyons donc, c’est quoi cette arnaque ? Des scalpers de train, câlisse ! ha ha ha ! Mais c’est logique. La compagnie de train n’offre pas un service qui est essentiel pour les voyageurs. Il y a une demande mais pas de service, alors l’offre se comble par le privé. Business is business.
Anyway, ça ne se peut pas que je ne puisse pas partir sur un coup de tête et je ne veux pas rester trois jours de plus ici. Ça doit arriver à plein de monde de devoir voyager en train à la dernière minute. Je me renseigne sur des forums, sur des blogs, etc. Finalement, une info pertinente : il est possible, en se rendant sur place de se procurer un billet, si ce n’est pas complet. De plus, il y a aussi un guichet à l’écart des autres réservé aux voyageurs étrangers. Parfait, c’est réglé.
Je met l’alarme pour 8 heures et me recouche en préparant mentalement mon départ pour le lendemain et en espérant que ce monsieur sera disponible.


Le matin arrive, je ramasse et trie tout, je déjeune et me prépare à quitter. Dernier coup d’oeil sur mon téléphone. Réponse de Mark que je traduis ici brièvement: “ Désolé ma chère Carole, j’ai déjà un visiteur, mais si tu passes dans le coin, viens prendre un café, je suis la plupart du temps à la maison, dans le jardin, à bricoler. C’est avec plaisir que je t’accueillerai, le temps d’une jasette.”

Dépitée, je ne sais plus quoi faire. Tout est prêt pour mon départ ; mes bébelles photo, mon passeport, mes baths, mes vêtements tout fripés, mon nouveau chapeau, un restant de bouffe indienne que je vais probablement manger avec les doigts, faute d’avoir trouvé des ustensiles en plastique dans la cuisine de l’hôtel. J’ai une décision à prendre là, drette là. J’écris à Mark que si ça lui convient, je pourrais descendre dans le sud quelques jours et lui demande s’il pourrait m’accueillir plus tard chez lui, genre la semaine prochaine ou celle d’après.
Envoi. Attente de 5 minutes. Le temps presse. Il est midi. Pas de réponse. Mon petit doigt me dit de partir quand même vers le nord. Je check-out à la réception. Me voilà dehors dans le sauna public chargée comme un âne. Marche marche marche jusqu’au métro pour me rendre à la station de trains. Advienne que pourra.

Le métro de Bangkok, tout comme le train aérien que j’ai pris les jours précédents, est formidable. Moderne, branché, propre, spacieux, du beau travail. Et le tarif est au trajet parcouru. Tu vas pas loin, ce sera vraiment pas cher. Tu vas jusqu’au bout de la ligne, ce sera juste un ti-peu plus cher que pas cher. En bonus, un éclairage doux et chaud sous lequel les gens sont beaux, lumineux. J’avais jamais vu ça. Je gage que même un zombie aurait l’air frais dans le métro de Bangkok, alors qu’à Montréal, on a tous une tête de déterré, même la plus belle fille du monde y est moche.

J’arrive à la station de trains. C’est magnifique ! Un beau bâtiment ancien avec de la patine, un plancher de pierre avec des motifs, dôme lumineux, pilastres ornementés, fer forgé aux escaliers. Au centre, une exposition de photos de qui ? Oui, le roi défunt. Son visage est partout. Sa mémoire est inoubliable.


Une exposition de photos prises par le roi, amateur de photographie.
L'espace réservé aux moines.

Je m’en vais directement vers le guichet réservé aux étrangers, dont les employés sont garantis parler anglais, je l’ai lu la veille sur un forum.
J’entre et aussitôt une agente me fait signe, sa petit main dans les airs. Je la salue et lui explique que je ne savais pas qu’il fallait réserver d’avance les billets, que j’ai quitté mon hôtel, que j’ai tous mes bagages avec moi et voilà.

Elle : “ Et ou voulez-vous aller ?” Wow ! elle m’a comprise. Mon anglais ne doit pas être si abominable que ça finalement.
Je réponds donc : “Chiang Mai.”
Et elle de me demander : “ Et quand prévoyez vous partir ?”
Moi : “Aujourd’hui, c’est possible ?”
Elle :  “Oui, et quelle heure voulez-vous ?” Oh boy, c’est trop beau pour être vrai.
Et elle tourne son écran vers moi et me montre la liste des départs de la journée.
Moi : “Celui-là. 13:45 h. C’est bon ?”
Elle : “Oui, couchette du haut seulement qu’il reste. ça vous va ?”
Moi dans ma tête : “Mets-en !”
Moi à elle: “Oui.”

351 baths pour le voyage et le dormir.

Je paie (franchement c’est vraiment pas cher, bien moins que ce que les agences de réservation affichaient comme prix ) Je calcule dans ma tête et je repense à ma déconfiture du Starbucks, qui m’avait chargé 280 bahts pour un café au lait et un croissant jambon fromage. Donc, un voyage en train-couchette de 15 heures, c’est un peu plus cher qu’un petit déjeuner au Starbucks et on sauve une nuit d’hôtel. D’une pierre deux coups. Fudge. Je m’en souviendrai.

Bon, j’ai presqu’une heure devant moi, je pars faire des photos. Je me promène sur le quai. Clic, clic. Je fais la fouine et je met mon nez un peu partout avec un air innocent.




Toutes les literies de couchettes sont nettoyées entre chaque voyage.
Je me demande si c'est le chef du resto qui se balade à poil entre deux trajets... hummm ?


Je cherche mon train. Il reste 15 minutes. Et là j’ai un doute ; je ne suis pas sûre d’être allée du bon côté. Je demande à une jeune fille, qui passe sur le quai un balai ébarbiché qui a l’air d’être plus vieux qu’elle, si je suis au bon endroit. Je dis Chiang Mai en pointant le train devant nous. Elle fait non de la tête, fait demi-tour et pointe du doigt l’autre bout de la gare. Oups !
Petit boost d’adrénaline, le premier depuis mon départ. Je pars en sens inverse en accélérant  le pas. Je passe toutes les plateformes en regardant les numéros de train et l’heure de départ. Mais ou est-il, cibole? M’a-t-elle bien comprise, m’a-t-elle bien renseignée ? J’arrive au dernier train. C’est le bon. Je souris. Je prends encore quelques photos.

C'est le bon ! Train 109 pour Chiang Mai.
C'est plus facile de faire des profits quand tu n'as pas de local à payer...


Le train est ultra vieux, du gros métal partout, des ventilateurs de l’ère industrielle, on dirait que ça date des années 50. Malgré les chiottes sales, j’adore ! Mieux encore, les fenêtres sont complètement ouvertes, on peut se pencher à l’extérieur ! Ça va être parfait pour faire des photos. Rien n’est plus frustrant que de photographier au travers d’une vitre, sale la plupart du temps.
On démarre.



Je suis agréablement surprise, le wagon est rempli de femmes et de quelques enfants thaïs. Pas beaucoup d’hommes, si l'on exclue les moines, encore moins de touristes.
Tout le monde me salue, essaie de me parler en signes. On sourit beaucoup.
Deux petits garçons me dévisagent constamment, ils me tournent autour, mais gardent leur distance, gênés.

Sortir de la région de Bangkok est long. Tout le long de la voie ferrée, je constate que des gens vivent collés dessus, dans des maisons de fortune en tôle et matériaux de récup. Certaines sections sont immenses, des labyrinthes qui rappellent les images de favellas d'Amérique du sud. Il y a aussi la construction du prolongement du train aérien qui suit pendant des kilomètres la voie avant de bifurquer. Comme je l'ai vu dans Bangkok, il ne semble pas y avoir de règles de sécurité strictes : les chantiers sont un mélange de bulldozers, camions, travailleurs, cantines, cabines de tôle, scooters, animaux, le tout dans un bazar désordonné.






Pendant le long trajet, des marchands de bouffe passent et repassent inlassablement l’allée avec leurs paniers. Jus, fruits, poissons, viande séchées, plats emballés, noix, riz, eau, mochis, etc.
Je sors des fruits de mon sac. J’ai plein de clémentines. J’en tend à la dame en face de moi. Elle accepte. Le petit garçon regarde les fruits fixement. Je lui en offre. Il s’approche lentement, regarde sa mère, elle fait oui de la tête. Il prend les fruits. Il est tellement content. Toutes les dames sourient. Ça y est, la glace est brisée avec les enfants. Ils vont venir me voir de plus en plus souvent et à la fin ils vont s’asseoir à tour de rôle avec moi sur mon siège. Le plus petit s’assoit même sur mes genoux, je suis aux anges ! Ils me montrent leurs jouets, des voitures en plastique et des montres “transformers”. L’atmosphère est tellement joyeuse, on rit pour un rien même si on ne se comprend pas.

Un petit thaï qui ne parle pas anglais porte un chandail avec une icone on ne peut plus américaine, Snoopy.


Le temps passe, une heure, puis 2 et 3… Il fait beau, les gares défilent, le paysage change. À un moment donné, le plus âgé des garçons, 7 ou 8 ans, met sa main devant mon objectif pendant que je vise. Je ne sais pas à quoi il s’attendait, mais je pars à rire tellement fort qu’il sursaute. Mais je continue à rire et à rire tellement qu’il se met à rire lui aussi après avoir eu un air surpris. Bingo ! C’est contagieux, les femmes autour se mettent à rire elles aussi et celles qui veulent savoir pourquoi cette folie gesticulent puis se le font conter. Je ne comprend pas la langue, mais je comprend les gestuelles qu’elles font. Étrangère-là, caméra, garçon, main, surprise, rire.

Je prends beaucoup de photos par la fenêtre. J’aime les arrêts aux gares, voir les passagers descendre ou embarquer. Toutes sortes de gens m’envoient la main du quai quand le train repart. Le roulis et le son rythmique me bercent comme un bébé. Je tombe en amour avec le voyage en train, moi qui n’en avait jamais pris avant.


Des écoliers descendent du train pour renter à la maison.
Dans toutes les gares, le drapeau de la Thaïlande.

La cloche a sonné, c'est le temps de repartir.




Des macaques. Ils sont souvent présents autour des temples, ils sont nourris et les touristes en rajoutent.

Le soir tombe vite, autour de 18h.

Entre 17 et 18h, le soleil s’évanouit lentement à l’horizon. Un officier de train commence à installer les couchettes avec ses outils. Il enlève ses souliers pour grimper sur les échelles et les bancs pour arranger les lits supérieurs. Il redescend, remet ses chaussures, passe à l’autre section et les enlève de nouveau. Le manège se poursuit sans anicroches. Comme tout le monde, je m’installe dans mon petit cageot aux rideaux tirés, je me mets à l’aise et je m’endors assez rapidement au doux rythme du tangage ferroviaire. Quelle belle journée j’ai eue !

Photo ratée au cellulaire, mais on voit les chaussettes !


Mon beau bibi en voyage.